Je croyais me coucher
hier soir mais départ à 9 heures. Il fallut boucler son sac et on
part pour Arras. Marche jusqu'à minuit. Nous couchons dans les caves
d'une malterie. Les obus éclatent dans la ville. On peut à peine
dormir deux heures et on part le matin dans la nuit faire des
défenses accessoires sur les lignes de feu.
Pour une entrée en
danse nous avons été servi. De 7 heures à 11 heures, nous avons
été sous une rafale d'obus. Les grosses marmites qu'on les appelle.
Cela fait un bruit de tonnerre et des trous, c'est quelque chose. Ils
éclatent en avant, arrière. Aussi inutile de dire de se défiler et
de mettre le sac sur la tête. On prend un baptême du feu cogne,
dont je me rappellerai longtemps si j'ai le bonheur d'en réchapper.
À un certain moment une marmite tombe sur un point du talus qu'on
venait de quitter. Il était temps, car une dizaine d'entre nous y
seraient restés. À toutes les secondes, il passe des messagers de
mort dans toutes les directions avec un sifflement effrayant.
Ce jour j'ai eu une
joie et une grande peine. La première, de voir Baptiste mon ancien
garçon, et qui se fait dans son nouveau métier et a l'air d'un
vieux grognard. La seconde, c'est d'apprendre la mort de Colin(1),
frappé par plusieurs balles, la nuit que je suis arrivé à Arras,
au moment où il quittait la tranchée pour rejoindre les lignes
arrières, ne voulant pas être prisonnier comme le fut sa section.
Le fait m'a été raconté par un de ses hommes et que j'ai connu
comme gérant de la coopérative de la 15ème. Pauvre femme, pauvres
enfants, mais on est tous logés à la même enseigne et mon
impression de cette première journée a été de maudire ceux qui
ont déchaîné tant de larmes et de misères.
Évacuons le soir Arras
pour aller au nord de cette ville. L'ordre nous est parvenu sur le
travail, à onze heures, cela fait que nous avons passé la nuit
dehors et dormi à la belle étoile. Nous avons je crois un peu
reculé du côté d'Arras de peur d'être coupés.
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